samedi, juillet 09, 2011

Sortie du Luberon... par Michèle

LUBERON

Samedi 11 juin 2011

Attention : bien prononcer « lubeuron », et non pas « lubéron », au risque de passer pour un béotien ou même encore pire pour un « plouc ». Au choix ! Mais comme nous avons de l’humour à revendre peu nous chaut.

Pour préparer cette belle sortie, Denis, histoire de nous mettre en bouche, nous avait soumis une devinette en forme d’énigme « Que se passa-t-il à Lourmarin le 17 avril 1891 ? ». Des réponses il y en eut, dont certaines parfaitement farfelues (la mienne par exemple). Que croyez-vous qu’il fallut y répondre : « RIEN ». Preuve à l’appui, un beau coup de pub pour Lourmarin qui l’a inscrit sur un panneau à l’entrée de la ville.

C’est vrai que cette partie de la Provence est absolument magnifique. Nous commençons notre découverte, par la visite d’un site d’une grande beauté, le Val Joanis, un terroir historique, domaine phare du Luberon planté de vignes , majoritairement syrah et grenache, et le plus médaillé. Le château, situé sur une ancienne villa romaine, a porté pendant plusieurs siècles les armoiries de Jehan de Joanis secrétaire de Louis III de Naples et une des rares propriétés françaises à avoir traversé les révolutions sans qu’en soit modifiée l’étendue. Le domaine classé parmi les « jardins remarquables» a été élu en 2008 « jardin français de l’année ». Outre à l’entrée une grande oliveraie, on se promène dans un immense dédale de jardins structurés avec arbres d’essence rares, vergers, gloriettes, des fleurs et potagers de légumes et herbes aromatiques. On peut aussi y acheter quelques bouteilles de très bons vins.

C’est beau, ça sent bon et cela nous donne faim. Cap sur Cucuron où on nous attend pour déjeuner, au restaurant de l’Horloge, un ancien pressoir à huile du XIVème siècle. Sous les voûtes en pierre nous dégustons un menu raffiné, avec par ex. pour entrée flan de banonet de Banon aux amandes , tapenade de tomates séchées. Absolument délicieux et difficile de faire plus provençal.

Nous quittons ce joli village perché pour nous rendre dans un autre lieu célèbrissime, Lourmarin, porte d’entrée au sud du Luberon. Et là, que de monde, que de voitures. C’est vrai que c’est le week-end de la Pentecôte, qu’il fait un temps magnifique et que de plus le village abrite sur la place centrale une grande brocante. Blotti au pied de la barre du Luberon, tout près de la Durance, au cœur d’un des plus beaux sites naturels de la Provence, il est classé parmi « Les plus beaux villages de France » et de ce fait attire un grand nombre de touristes.

Le château, à l’origine une tour de guet fortifiée, appelée maintenant « castellas ». Puis vers le 12e Siècle naissance de la forteresse, demeure fortifiée qui appartenait à la famille des Baux et passa ensuite entre les mains d’autres puissantes familles provençales. Vers 1460 la très noble Famille d’Agoult l’acquiert et Foulques d’Agoult riche et puissant seigneur, chambellan et ami du Roi René fait venir du Piémont une colonie de Vaudois pour assainir les terroirs marécageux de Lourmarin. Il entreprend simultanément la reconstruction du château que l’on nomme « le Château Vieux » de style encore gothique. En 1526, un de ses descendants entreprend de l’agrandir. François Ier qui y fit halte en 1537 emmena le jeune François d’Agoult comme page à sa cour mais sa mère poursuivit la construction de la partie renaissance adossée au château.

En 1545, guerres de religion en Provence, notamment contre les Vaudois du Luberon qui avaient adopté la religion réformée. Ensuite le château connut diverses fortunes, il échappa de justesse à la destruction au moment de la Révolution. Racheté en 1801 par Pierre de Girard, lourmarinois, dont le fils Philippe de Girard, inventeur en 1810 de la machine à filer le lin, fit hélas faillite. En 1920, un riche industriel lyonnais, Robert Laurent-Vibert, érudit, normalien, agrégé d’histoire, membre de l’Ecole Française de Rome, Président de la Firme Vibert-Pétrole Hahn, racheta in extremis le château qui allait être voué à la destruction.

Classé monument historique depuis 1973 et maintenant « Fondation Laurent-Vibert », il reçoit chaque année des artistes, écrivains, chercheurs et qui ont à leur disposition douze salles de bibliothèques, deux salles de musique, et une salle-atelier de peinture.

La visite du château commence comme il se doit par la partie ancienne, le Château-Vieux dont l’aspect sévère est allégé par une succession de galeries d’où l’on peut admirer la tour hexagonale et les gargouilles en forme de chien. Au RdC, une cuisine immense avec cheminée monumentale et moult ustensiles de cuisine en cuivre de très grande taille et aussi vaisselier garni de faïences d’Apt. Nous parcourons une suite de pièces, au plafond à la française, fenêtres à meneaux, et qui abritent encore quelques merveilles, dont par ex. une tapisserie d’Aubusson représentant un couple légendé « Amour et Fidélité » (commentaire de Christian : il a les mains baladeuses au niveau du corsage !).

Puis l’aile Renaissance édifiée à partir de 1537 où l’on découvre le grand escalier. Escalier à vis, monumental, aux marches très larges, chef d’œuvre d’architecture savante : une même dalle de pierre constitue la marche, la double gorge torsadée centrale. C’est d’une grande et rare beauté. La sallestre, pièce d’apparat, avec une cheminée monumentale ornée de colonnes aux formes étranges d’amphores aux pieds griffus. Des petits meubles réalisés par les Compagnons du Devoir, et un très grand médaillon en plâtre représentant les Trois Grâces qui curieusement se tournent le dos !

Enfin les pièces à musique, avec épinette, piano ancien, xylophone et divers autres instruments. Pour terminer, pièces souvenirs de la Grande Guerre, poèmes, photos, gravures, et objets de guerre miniature.

Nous ressortons à l’air libre, pour retrouver une conférencière qui doit nous emmener sur les pas d’Albert Camus qui vécut les dernières années de sa vie à Lourmarin et où il est venu à la demande de son ami Girard, grand homme de théâtre. R.V. sur le stade de foot, puisque Camus était un passionné de la grande pelouse ainsi que de théâtre. A chaque étape elle nous lira un extrait de la littérature du romancier.

De là nous partons, d’un pas plus très léger, parce que attention la grimpette commence à être rude, mais qu’importe, la passion de la découverte étant toujours intacte, nous allons visiter le château d’Ansouis. Heureusement nous ne serons pas déçus.

C’est la « châtelaine », une dame tout à fait charmante, qui nous reçoit et raconte qu’elle et son mari en rêvaient. Il s’est trouvé que lors du décès de la Duchesse de Sabran Pontevès, les successeurs n’ayant pu faire face aux dettes de l’un des leurs, on dû se résoudre à vendre le château qui n’a pas trouvé preneur et est resté à l’abandon plusieurs années. Il y a deux ans une vente « à la bougie » a permis aux propriétaires actuels de l’emporter face à Pierre Cardin lui-même extrêmement intéressé. Un projet pharamineux puisque l’ensemble ne comporte pas moins de 150 pièces.

Comme tous ces châteaux de Provence, c’est à l’origine une forteresse militaire et l’on y retrouve les Comtes de Provence, de Forcalquier puis la famille de Sabran. Au 17e siècle un deuxième château, d’inspiration renaissance vient s’ajouter au château médiéval. La façade, avec frontons à volutes, est en pierre blanche de Bibémus. Un escalier, à l’italienne, en perspective, et aux marches dites « royales » nous emmène au premier étage. Où l’on trouve des roches creusées permettant le passage vers différentes parties du château et un puits de 32m de profondeur qui en fait aboutissait à des galeries permettant de s’échapper vers la campagne environnante en cas d’attaque !

Puis la salle des gardes, avec meurtrières, devenue maintenant chapelle privée, avec un autel à la romaine en marbre. Portrait d’un Christ dit « implorant » c.à.d. la tête penchant vers la gauche donc encore vivant. Et une peinture de Marie-Madeleine, aux seins découverts, copie du célèbre Titien.

Les « châtelains » actuels ont acquis le château vide de tous meubles et ont tout remeublé au gré de leurs envies, leurs possibilités, leurs opportunités et y ont entrepris d’énormes travaux de rénovation. Dans la partie renaissance, des pièces en enfilade, dont les décors style 18ème siècle, sculptures et moulures sont en plâtre appelées « gypseries » (par opposition aux moulures traditionnelles en bois). A noter que chaque angle des pièces est arrondi ce qui a pour but selon la légende de repousser le diable et les mauvais esprits. Entre autres curiosités, des baignoires habillées d’un enrobage en canné, une très jolie niche à chien capitonnée ayant appartenu à Marie-Antoinette.

Une des chambres avec lit à baldaquin et pièce annexe, dite garde-robe, est appelée chambre de Raymond Barre lequel était très ami avec la Duchesse. Généralement les chambres comportent plusieurs pièces : la chambre de Madame, celle de Monsieur et une pièce « entre-deux ». On accède à une grande terrasse avec une statue de lion en pierre ; en contre-bas on peut admirer un beau jardin, dit à la française, garni de buis taillés en topiaires.

Dans la partie médiévale du château, une immense cuisine et surtout d’une rare originalité : une petite maison indépendante, pour l’intimité, tout en étant totalement intégrée dans le château, avec terrasse et jardin privé. La pièce principale, de forme ronde, est très joliment décorée de frises en gypserie, le tout d’un grand charme et tout à fait insolite.

Le programme de cette journée fut comme toujours très instructif et intéressant et nous commençons, nous Normands, à certainement mieux connaître cette belle région de Provence que beaucoup de Provençaux d’origine.

Michèle Maignal

Juin 2011