mercredi, octobre 06, 2010

Escapade Normande... daprès Michèle.






Escapade normande

ROUEN

Quelle belle ville. Et pas si humide que cela (les réputations et les a priori ont la vie dure). D’ailleurs les parapluies n’ont pratiquement pas servi. Et puis, foi de Normands, ce n’est pas quelques gouttes de pluie qui auraient pu nous faire peur.

Car nous avons marché, arpenté, regardé, admiré, la tête levée et le nez au vent, humé l’air de la ville ; nous avons pu nous imprégner de son histoire, de son passé, si riches, et de son présent si agréable où il fait bon vivre.

Surtout nous avons été gâtés avec un guide-conférencier absolument fascinant : Dominique.
Nous avons toujours eu la chance au cours de nos visites de croiser des hommes et surtout des femmes de très haut niveau. Mais lui est vraiment hors normes. Une érudition époustouflante, racontée avec gaîté et jubilation à un débit de mitraillette, entrecoupé de quelques « blagounettes » généralement visant les dames, plus quelques questions insidieuses pour voir si l’on suit. Pas le temps de reprendre son souffle. Il vit ce qu’il nous raconte ; tout le corps participe : la tête bouge, les bras se lèvent, les doigts virevoltent. Un acteur au service de son art. Un virtuose !

Notre première visite sera pour le Musée Le Secq des Tournelles, anciennement église Saint Laurent des XVe et XVIe siècles devenue Musée de la Ferronnerie qui abrite une fantastique collection d’arts du fer . Ce musée a été démarré en 1862 par Henri Le Secq des Tournelles, héliographe (photographe) des monuments et continué par son fils qui l’a légué à la Ville de Rouen en 1921.

Ces collections aussi vastes que variées reflètent les modes de vie, l’ingéniosité, et les qualités artistiques des anciennes générations : des grilles d’une finesse de dentelle extraordinaire, des rampes, heurtoirs, clefs, serrures d’une complexité et ingéniosité remarquables, et beaucoup d’enseignes, toutes plus belles les unes que les autres, tellement inventives, aux noms évocateurs : « à l’homme armé », « au puits sans vin », « à la tête de Maure », « à l’arbre sec ». Une maquette conservée du clocheton de la cathédrale a permis une reconstruction fidèle lors de la dernière grande tempête qui l’avait mis à mal. Un coffre à linge en bois ferré, est l’ancêtre de l’armoire laquelle n’apparaîtra que fin 15e/déb.16e S.

Au premier étage, les métiers : chirurgie (clystères, trépans, et autres instruments de torture sensés vous guérir), barbiers, vènerie, tailleurs de pierres, appelés appareilleurs, avec leurs compas, maîtres à danser (pour mesurer l’intérieur d’un volume), pantographes, et encore des balances, pesons, trébuchets.

Un autre aspect de ces collections, les éclairages (mouchettes, éteignoirs), briquets, des plaques de châtelaine, des corsets en fer et ceintures de chasteté, et beaucoup de bijoux en acier poli à facettes reflétant la lumière. Encore plus surprenant : la fonte de Berlin, née au XVIIIe S et qui perdure jusqu’à la fin du XIXe.A l’origine : pour aider à l’effort de guerre lors des guerres napoléoniennes, la Prusse et la Saxe demandent à la population de faire don de tous les bijoux, vaisselle et objets de valeur. Pour les remplacer, tous ces objets seront reproduits en fonte, alliage de fer et de carbone, d’une couleur gris-noir laquée ou patinée. Leur succès est tel qu’il dépassera rapidement largement les frontières de l’Allemagne.

L’après-midi sera consacré à la découverte de Rouen en compagnie d’un autre guide, Jacques. Il y aura évidemment beaucoup à voir et à raconter. Pour commencer, la cathédrale, gothique, construite sur plusieurs siècles avec une flèche de fonte la plus haute de France. Si des statues manquent sur la façade, il ne faut pas, selon Jacques, incriminer la Révolution comme on a coutume de le croire, mais plutôt les guerres de religion. Dont acte. A l’intérieur de la cathédrale, quelques vitraux rescapés de la guerre et nous pouvons voir l’impact des trois bombes qui sont tombées à l’intérieur, une n’ayant pas explosé, les deux autres ont causé d’importants dégâts comme on peut le voir sur des photos d’époque. Heureusement les énormes piliers de soutien ayant par miracle tenu bon la cathédrale est restée debout.

Dans le vieux Rouen, des rues piétonnes qui en conservent le charme, des maisons à pans de bois et à encorbellement. Ce détail architectural avait pour but de gagner de la surface en étages, puisque que les taxes étaient perçues sur la surface au sol. Malins les Normands. Des rues tellement étroites que l’on pouvait se parler, et même se bagarrer, d’une maison en face de l’autre. Victor Hugo avait nommé Rouen la ville aux cents clochers ; en réalité il y en aurait en fait 127. Surprenant, non ? La ville comptait aussi un nombre très important de fontaines, dont une conservée ressemble au fameux Mannenkenpis. Plus loin, une belle porte sculptée que le gros Goering, qui pillait sans vergogne toutes les œuvres d’art qui lui plaisaient, n’a pas pu emporter parce qu’elle ne rentrait pas dans le coffre de sa voiture.

Nous ne pourrons pas visiter toutes les merveilles que recèle la ville, comme par exemple l’église Saint Maclou, joyau de l’art gothique flamboyant, la Palais de Justice, ancien Parlement de Normandie, l’hôtel de Bourgtheroulde. Parmi les curiosités incontournables : l’Aître Saint Maclou (du latin atrium) cimetière dont la création remonte à la Grande Peste Noire de 1348. Vers 1521/22, nouvelle épidémie et pour augmenter les capacités du cimetière on y construit autour des galeries surmontées d’un étage à usage d’ossuaire. Toujours cimetière jusqu’en 1781, l’Aître abritera une école pour garçons pauvres du quartier. Après diverses activités, elle abrite maintenant l’Ecole Régionale des Beaux Arts.

Et puis bien sûr la plus célèbre des curiosités : le Gros Horloge. LE, parce que à l’origine le français comportait trois genres, le neutre ayant été remplacé par le masculin. Dans un beffroi gothique à arche renaissance, un mécanisme extrêmement sophistiqué qui continue de faire l’admiration de tous. Une aiguille unique pointe l’heure sur un double cadran avec l’agneau pascal qui symbolise les armes de la ville.

Le soir nous nous retrouvons tous pour dîner au restaurant Pascaline. Le repas s’y déguste avec plaisir dans une ambiance des plus agréables comme il se doit. Nous ne manquerons pas de téléphoner aux Ramier, qui n’ont pu venir, pour un vibrant coucou. Coco aura droit à un ban enthousiaste pour la remercier de son organisation. Un merci collectif à Florys pour avoir créé l’association. Qui est une « Amicale » dans le vrai sens du terme.

Ensuite, la nuit tombée, nous irons admirer les illuminations sur la façade de l’Hôtel des Beaux Arts. Eblouissant : il s’agit de projections en immense sur la façade de tableaux les plus célèbres des Impressionnistes, dont celui nettement moins connu de Caillebotte « Vive la France ».

Puis tout le monde va se coucher, pour la plupart au même hôtel, d’ailleurs très bien situé en plein centre, fatigué et content, espérant bien dormir parce que le lendemain nous aurons droit encore à un programme chargé …

Dès potron-minet, Coco entraîne une petite équipe de marcheurs courageux et curieux pour une autre visite de SA ville. Pour certains une vraie découverte, pour d’autres une redécouverte.

Place du Vieux Marché où Jeanne d’Arc fut brûlée vive le 30 mai 1431 et où une statue moderne y magnifie la grande sainte ainsi que l’Eglise Sainte Jeanne d’Arc, d’une architecture résolument moderne et audacieuse qui fit hurler les Rouennais lors de sa construction. La toiture évoque la mer avec une couverture couverte d’écailles, les ouvertures sur un côté sont en forme de poisson, symbole du Christ. Mais le plus admirable sont les vitraux anciens très colorés provenant le l’ancienne Eglise Saint Vincent détruite pendant la guerre. Heureusement, un conservateur, M. Potier ( ?), homme habile et prévoyant avait eu l’idée de faire auparavant descendre ces joyaux de l’art religieux et les entreposer dans des caisses à l’abri. De l’extérieur, le soir ces vitraux illuminés par l’intérieur de l’Eglise offrent un spectacle féerique. Croyant ou non-croyant, c’est l‘émotion à l’état pur. Remarquable, le marché couvert est toujours là dans le prolongement de l’église. Merci Monsieur Jean Lecanuet.

Plus loin, la Maison natale de Corneille, puis la Maison de Gustave Flaubert, qui était chirurgien, devenue Musée de la Médecine. Nous nous en mettons encore plein les mirettes avec le Palais de Justice et bien d’autres monuments anciens. Nous longeons le Champ de Mars pour arriver jusqu’aux bords de Seine où les anciens docks ont été aménagés en promenade. Au loin, le nouveau pont à tablier unique levant permettant aux grands voiliers de venir jusqu’au cœur de la ville. Rouen a développé un réseau de transports urbains modernes, et non-bruyants, métro-bus, nombreuses lignes de bus. D’ailleurs une grande artère a proximité des quais est réservée à la seule circulation des bus dans les deux sens ; les voitures y sont interdites.

Vite, dépêchons-nous pour notre premier rendez-vous avec notre phénomène Dominique au Musée des Beaux Arts pour l’Exposition « Une ville pour l’impressionnisme ».où nous aurons encore droit à un show éblouissant.

Equipés de nos oreillettes et Dominique de son micro, nous partons à la découverte de toutes les toiles qui ont Rouen et sa région pour thème. Turner en précurseur, Monet le reconnaît comme son Maître.. Et bien sûr parmi les œuvres les plus marquantes on retient pardessus tout Monet et sa perception de la cathédrale de Rouen peintes entre 1892 et 1894 où il traduit tous les frémissements des ombres lumières. Durand-Ruel lui consacre en 1895 une exposition où seront exposées vingt versions de la cathédrale peintes à toutes les heures de la journée et tous les temps. Pissaro, Gauguin, Boudin, Sisley et d’autres moins connus tels que Albert Lebourg ou Charles Frechon ont séjourné plus ou moins longtemps à Rouen.

Leurs pinceaux magiques ont immortalisé la ville, les vieilles rues et le Gros Horloge, la Seine et ses clapotis, l’île Lacroix et le pont Boieldieu, la Côte Sainte Catherine, les ciels mouillés, laiteux ou chargés de nuages, ou même clairs et lumineux. Et aussi le pont de chemin de fer et des fumées d’usines, le développement industriel de la ville étant en marche. Traduisant la ville dans son vécu, une immense place mouillée le soir, des dames vues de dos qui se hâtent en relevant leur jupe à cause de la pluie, des lampadaires qui diffusent une lumière blafarde, et au loin un pont.


L’après midi : visite du Musée de la Céramique, toujours avec Dominique
Bien avant Rouen on connaît au XVIe S les premiers ateliers de faïence en Ombrie et Toscane et à Nevers. Toujours en bleu et blanc influence de la porcelaine de Chine Dans les années 1550 Masseot Abaquesne démarrera une importante production de pots à pharmacie pour poudres, onguents, simples et autres, et surtout pour la Thériaque (panacée universelle de 98 composants dont du venin de vipère). Pour atteindre les températures très élevées nécessaires aux cuissons des céramiques il fallait pour alimenter les fours d’énormes quantités de bois. Jusqu’en 1690 aucune décoration ne comportera de couleur rouge parce que le pigment fusait (migrait) dans le support ; c’est à cette date que l’on commence à maîtriser la couleur rouge par petits traits.

Pendant une certaine période si Delft aura la prépondérance de la céramique sur le plan mondial c’est Rouen qui dominera sur le plan national. Après différentes fortunes, la faïencerie connaîtra un essor certain sous Louis XIV qui, pour financer les efforts de guerre, sollicitera la population à faire don de sa vaisselle en métal précieux. Las ! La vaisselle est enterrée et ni vu ni connu on la remplacera par de la faïence. De très belles pièces, pichets, aiguières, bannettes (corbeilles à pain) de forme rectangulaires à coins coupés, que nous pouvons admirer sur une table dressée « à la française », c’est-à-dire sans les verres tous les plats étant apportés ensemble sur la table.

Un des grands noms de la faïencerie est Charles Haviland porcelainier qui ouvre en 1872 un atelier de porcelaine expérimentale. Il confie la direction de son atelier parisien à Félix Bracquemond qui introduit dans la céramique la technique du décor à la barbotine colorée sur terre cuite mise au point par Ernest Chaplet. On appelle un dessin préparatoire « un poncif ».Après avoir donné une forme à l’argile, au tour ou au moule, la terre crue est cuite une première fois « au dégourdi » autour de 800°C. Le décor est alors peint sur la pièce à l’aide d’un pinceau trempé dans de la barbotine colorée composée d’argile liquide et d’oxydes métalliques. Une fois sec ce décor est recouvert d’une épaisse glaçure, souvent chargée en plomb, avant de subir une nouvelle cuisson.

On introduira les peintures impressionnistes qui trouvent difficilement amateur ; on préférera les décors de fleurs et oiseaux dont on retiendra entre noms celui de Charles Midoux et les paysages à la Corot. Un autre nom à retenir est celui de Marie Bracquemont qui introduira le portrait dans l’art de la faïence. D’étonnantes œuvres ont été réalisées, comme par exemple ces deux mappemondes, prouesse technique, portées sur colonnes, l’une représentant le globe terrestre, l’autre le globe céleste. Au XIXe des vitrines de boutique auront pour décor des œuvres monumentales en faïence illustrant leur activité, comme par exemple un magasin de fleurs ou d’instruments de musique.

Nous traversons un tout petit salon tapissé de lambris en chêne sculpté, rescapés d’un petit pavillon à musique déménagé pièce par pièce en Amérique ; ces lambris n’entrant pas dans les caisses de transfert nous pouvons continuer à les admirer. Puis, cette visite pleine d’enseignements se termine et nous prenons congé à regret de Dominique.

Nous avons pendant deux jours eu notre content d’émerveillements et nous nous quittons tous très contents de notre escapade normande. ! Encore un grand merci et félicitations à Coco.

Michèle Maignal
Septembre 2010

samedi, octobre 02, 2010

La journé d'Arles


ARLES 22 mai 2010

« Veni, vidi, vici : je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » avait dit Jules César après l’une de ses victoires en 47 av.J.C. « Ave César », ceux qui te regardent monter des eaux te saluent.

Nous ne pouvions pas rater l’exposition de l’année au Musée de l’Arles Antique « César, le Rhône pour mémoire » consacrée au buste de l’un des plus grands hommes de la Rome Antique qui a octroyé à Arles, à l’époque Arélate, en 46 av.J.C. le statut de colonie romaine pour la remercier de l’avoir soutenu dans sa lutte contre Pompée à Marseille.

Parce qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle tête : retrouvée dans les eaux boueuses du Rhône où elle baignait depuis très longtemps. Bien sûr on ne sait ni quand ni comment elle est arrivée là. Mais elle est extrêmement belle, en marbre de Phrygie, et bien conservée. Il semblerait d’après les experts que ce soit la seule sculpture faite du vivant du dictateur, toutes les autres ayant été réalisées post-mortem d’après un masque funéraire. L’expression du visage ridé et désenchanté, tellement réaliste, en est la preuve.

De par sa situation au confluent des principales voies navigables de l’époque, Arles était au cœur de tout le trafic commercial pour tout le pourtour méditerranéen. Et des milliers d’objets du plus gros au plus petit ont été repêchés ou gisent encore dans le fond du fleuve. Des objets les plus insolites, comme ce sarcophage !, raffinés comme cette coupe bleutée en verre , et de toutes provenances, même d’Afrique. Des amphores par milliers, de toutes origines (Grèce, Palestine, Crète, Asie Mineure), de toutes tailles, toutes formes et de toutes utilisations : huile, vin, conserves de poisson, sauce de poisson. Elles étaient facilement identifiables par un marquage spécifique.

On se doit d’admirer le courage des plongeurs qui jour après jour vont fouiller dans les eaux glauques du fleuve où l’on ne voit pas à deux mètres et le fond est une vraie poubelle. L’archéologue Luc Long, l’enfant du pays, est un de ceux qui y ont consacré une grande partie de leur vie. Une video nous montre combien cela doit être angoissant de s’enfoncer dans cet univers de ténèbres où même des hommes expérimentés n’ont pu résister à la panique et on abandonné. On peut également imaginer l’intense émotion qui doit submerger les plongeurs lorsqu’un trésor est arraché à sa gangue de boue.

Car l’exposition regorge d’autres merveilles : très grande amphore en bronze, casseroles en cuivre finement sculptées, statues en marbre les plus fins, ou en bronze, ou même recouvertes d’or pour cette Victoire. On y croise nombre de personnages de l’Antiquité : Bacchus, Esculape en toge avec son caducée, une Artémis éphésienne, un Lépide balafré, Neptune avec un chien et un admirable « barbare » en bronze, à la musculature magnifique, portant barbe et moustache, les mains liées dans le dos mais fier et arrogant.

Après tant de beauté et cette plongée dans le monde antique, nous allons déjeuner dans un restaurant, la Caravelle, spécialisé dans la cuisine de l’Arles Antique, menu élaboré par Taberna Romana ! Entre nous on ne sait pas trop ce que l’on a mangé, même si les noms simili-latins étaient « traduits » en langue vulgum moderne. Mais bon, ce n’était pas mauvais, bien qu’original. Evidemment on ne peut pas manger tous les jours de la bonne cuisine normande à la crème !!!
L’après-midi, visite guidée de Arles (guide-conférencier pour une fois pas terrible !).

Michèle Maignal / Juillet 2010